Pour une vision proactive et pertinente du tableau blanc en français, langue d’enseignement

Les gens qui me côtoient le savent, j’ai beaucoup de réticence à utiliser le mot interactif lorsqu’il est question de tableaux blancs numériques. Je ne les trouve pas plus interactifs que le pavé tactile sur mon ordinateur ou mon doigt sur la surface tactile de ma tablette numérique ou encore le morceau de carton et les crayons feutres utilisés pour réaliser une activité de graffiti circulaire afin de faire une collecte d’idées. Ce sont les interactions entre les personnes qui rendent l’utilisation d’un outil interactive et non l’objet technologique lui-même! Mais là n’est pas l’objet de ce billet. De toute façon, le terme TBI1 est maintenant tellement répandu qu’il serait futile de jouer les Don Quichotte. Puisqu’il faut savoir choisir ses batailles, je n’utiliserai pas le terme TBI dans ce billet, car je suis ici chez moi et que le terme interactif que l’on utilise à toutes les sauces me rend carrément inconfortable. J’ai trouvé, grâce à @carobegin, sur le blogue d’un enseignant français, deux billets où un point de vue similaire au mien est présenté. Voir deux de ses billets sur ce sujet ici et ici).

Dans un deuxième temps, je désire non seulement mettre de côté mes préjugés mais aussi dégager certains postjugés pour esquisser quelques propositions concernant une utilisation pertinente du tableau blanc en classe.

Mes préjugés

Je crains, effectivement, que l’introduction du tableau blanc en classe mène à un retour à l’enseignement transmissif intégral, qu’il fossilise les enseignants dans le paradigme de l’enseignement, qu’il valorise la leçon donnée par une personne (enseignant ou élève) à un groupe de spectateurs plus ou moins passifs.

On peut se demander dans quelle mesure un tableau blanc permet de rester dans le paradigme de l’apprentissage. Je crois que, contrairement à ce que certaines personnes semblent le croire, la leçon n’est pas la situation idéale pour rejoindre les élèves et les impliquer dans la construction de leurs savoirs. Comme le dit si bien @Aurise : «Il ne faut pas  faire comme avant, il faut faire autrement» Alors, et la question est bien LÀ, comment faire autrement avec un tableau blanc? Il faut être très vigilant pour demeurer perspicace et ne pas s’imaginer centré sur l’apprentissage en construction ou en train de mousser de l’innovation en faisant la promotion du tableau blanc tous azimuts.

Des postjugés… en construction

À mon sens, un certain nombre de questions devraient être prises en considération lorsqu’on utilise un tableau blanc :

  1. Est-ce que ce qui ira sur ce dernier correspond bien aux intérêts des élèves?
  2. L’utilisation qui en sera faite, de façon ponctuelle, s’inscrit-elle dans le cadre d’une activité plus large, dans une séquence, de telle sorte que le tableau ne sera pas utilisé  de façon isolée?
  3. Comment peut-on passer de l’enseignement explicite pur et dur à l’insertion de séquences d’enseignement explicites dans le cadre plus large d’un enseignement stratégique?
  4. Sera-t-il possible pour plusieurs participants d’interagir sur la surface numérique?
  5. Pourra-t-on combiner des applications pour ne pas se limiter au logiciel qui contrôle le tableau blanc3?

En guise d’exemples, voici quelques propositions d’activités qui prennent en considération ces facteurs2.

1. Activité magistrale impliquant des élèves

Stratégies pour une meilleure compréhension en lecture et en écriture

En septembre 2011, le RÉCIT, Domaine des langues va publier des propositions d’utilisation du tableau blanc pour enseigner des stratégies de lecture (et, plus tard, des stratégies d’écriture) en français pour assurer une meilleure compréhension des textes écrits. Je n’élaborerai donc pas maintenant sur cette façon d’utiliser un tableau blanc en classe.

Je tiens cependant à mentionner qu’il me semble que ce genre d’activité est plus approprié en petits groupes de 3 ou 4 élèves. Je crois aussi que ça peut être un outil intéressant  auprès des élèves en difficulté d’apprentissage.

2. Activité de type  ludico-pédagogique, réalisable  sur une courte période de temps

Un exemple – Mon tautogramme, ton tautogramme

Un tautogramme est un texte dans lequel tous les mots commencent par la même lettre.

Étapes de rédaction d’un tautogramme

Alors, pourquoi ne pas lancer un défi à des équipes d’élèves en leur attribuant une lettre de l’alphabet par tirage (en prenant soin d’enlever celles dont le niveau de difficulté serait trop élevé) afin de constituer, dans un premier temps, des banques lexicales comprenant la lettre tirée au sort puis, dans un deuxième temps, de soumettre leur banque à une équipe alliée ou adverse pour créer un tautogramme?

3. Activités plus longues à réaliser – Comment mettre à profit une surface tactile grand format?

Au primaire – Le jeu d’aventure en classe

Préparation collective du jeu d’aventure

Le jeu d’aventure en classe est une activité complète qui  permet le développement des compétences, des stratégies et des connaissances en français. À la suite de nombreuses années d’observation dans différents milieux, nous avons pu constater que c’est  une activité extrêmement motivante pour les garçons. À cet égard, le tableau blanc peut être utilisé pour modéliser les pratiques des élèves et aussi pour les soutenir dans le  jeu.

Dans un premier temps, je crois que l’outil peut être intéressant pour développer des stratégies de lecture tout en améliorant les habiletés à chercher et à traiter de l’information. Partir d’un objet de recherche, trouver de la documentation pertinente, comparer les sources…

Cette façon de faire permet aux élèves de comparer leurs façons de chercher et de traiter de l’information.

Éléments utilisés lors d’une joute

Dans un deuxième temps, en sous-groupe, le tableau peut permettre de fournir un soutien logistique aux joueurs en leur permettant d’accéder à un environnement qui les aidera à scénariser le jeu (il s’agit d’un site, un lieu virtuel qui leur permet aisément de manipuler les cartes des lieux visités et de mettre en évidence les personnages rencontrés).

Correction collective d’un chapitre lié au jeu d’aventure

Dans un troisième temps, toujours en sous-groupes et toujours dans une perspective modélisante, lors de la révision du récit (narration d’une joute), l’outil devient utile pour faire une correction collective : utiliser une banque lexicale constituée par les élèves, consulter un dictionnaire en ligne ainsi qu’une aide à la correction. Ainsi, de cette manière, les élèves peuvent réfléchir ensemble sur les façons possibles d’enrichir le texte et de le bonifier.

Au secondaire – Se préparer à un festival de slam

Comparer des productions

La grande surface du tableau blanc permet de combiner des présentations en les lançant du bout des doigts. Lors d’une activité pour se préparer à un festival de slam par exemple, il est possible d’écouter un artiste professionnel afin de dégager des façons de faire. Par la suite, à l’aide de critères déterminés à l’avance,  il est aussi possible de comparer des productions d’élèves.

Conclusion

Le tableau blanc n’est pas une panacée. Il serait très dangereux de lui attribuer des vertus magiques et préventives. Il faut donc absolument contextualiser son utilisation…  et ne pas oublier que, comme dans toutes choses, la modération a bien meilleur goût ;-)

Addendum 2012 08 25

Ce billet a été transformé et adapté pour être publié sous forme d’article sur le site Adjectif.net

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1 Faudrait peut-être laisser savoir au Premier ministre du Québec, Jean Charest, qu’il faut encore moins utiliser le mot intelligent lorsqu’on parle des tableaux blancs.
2. Je sais que tout ce qui est proposé dans ce billet peut être fait sans utiliser un tableau blanc. Je suis aussi conscient des lacunes ergonomiques de cet outil lorsqu’il s’agit de construction (clavier sur un plan vertical) et de collaboration (dos tourné aux élèves) mais, puisqu’ils seront là, imposés par des considérations politiques, aussi bien trouver des façons d’en faire bon usage!
3. Certains dans le milieu de l’enseignement commencent à parler de tébéiciel
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