Les loups rôdent

Au début des années 30, au pire de la grande crise économique, lorsque les gens tapissaient leurs murs avec des Deutsche Mark tellement ces billets avaient perdu de valeur, des gens bien disciplinés se sont levés pour montrer au monde qu’eux, ils étaient sérieux, qu’ils étaient les seuls pour ramener le peuple dans la droiture et le bon chemin et qu’ils allaient chasser les indésirables. Ils manifestaient de façon ordonnée et étaient engagés à défendre les opprimés contre les idéologies de la gauche communiste violente et contre certains individus dangereux qu’ils avaient ciblés et étiquetés. Il y avait une catégorie de gens en particulier, ceux-là, ils les considéraient comme des sous-humains.

Ça vous rappelle quelque chose ? Moi, si! Deux choses mêmes.

La première, alors que j’étais enfant,  j’aimais les parades, celles du Père Noël et de la Saint-Jean-Baptiste. De nombreux hommes, que je croyais être des soldats passaient devant moi en jouant de la musique. En restant proche de mes parents, je m’efforçais de marquer le pas et je faisais des saluts militaires. Que voulez-vous, j’étais émerveillé par les fanfares et par la splendeur des uniformes. Pendant un bref moment, j’étais moi aussi un petit soldat.

Quelques années plus tard, j’ai trouvé un livre haut placé sur une étagère. Il y avait plein de photos de défilés. Les formations étaient impressionnantes. Des soldats qui portaient de beaux uniformes et qui marchaient curieusement . À mes yeux d’enfant c’était pareil comme dans les parades que mes parents m’emmenaient voir.

J’étais édifié.

Je me souviens que cet ordre dans les rangs me semblait une bien bonne et belle chose. Surtout qu’à l’école, le Frère directeur exigeait la même chose de nous.

Dans le livre, il y avait une autre photo où l’on voyait un énorme rassemblement et où tout le monde était bien droit et bien attentif à ce qui se passait sur l’impressionnante estrade devant eux. Ils avaient aussi un bras levé bien droit. Je me demandais pourquoi.

À mes yeux d’enfant, c’était magique. Une force rassurante émanait de tous ces gens au garde-à-vous. Tous ces soldats étaient comme moi, ils étaient obéissants à l’autorité. Je m’identifiais à eux.

Voyant mon intérêt pour ce livre, mon père est allé chercher un autre livre dans notre bibliothèque. Ce livre de Time Life racontait en photos l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Là, j’ai vu où toutes ces marches à pas d’oie avaient mené l’Occident.

J’ai cette fois été ébranlé.

À sept ans, je venais de découvrir ce qu’un état totalitaire  portait dans ses entrailles et toute la destruction qu’enfantent le contrôle absolu et les abus de pouvoir. Je me souviens aussi d’avoir été perturbé devant d’autres photos qui montraient des personnes émaciés semblant s’accrocher à une clôture pour rester debout. Il s’agissait bien sûr de survivants d’un camp de concentration.

La deuxième chose à laquelle je pense est relative aux défilés récents dans les rues de Québec où la consigne des dirigeants est toujours claire : manifester dans l’ordre. Les manifestants qui participent à ces marches ont tous, à différents degrés, des motifs similaires, soit, de défendre la patrie et de cibler un groupe en particulier comme étant dangereux. Ils disent qu’ils participent pour défendre le bien-être collectif et pour dénoncer le «danger».

Les motifs de ces gens qui défilent «paisiblement» ne mènent pas à la paix. Ceux et celles qui les regardent admirativement (ou par simple curiosité) semblent ne pas trop saisir que lorsque quelqu’un a besoin d’afficher des sigles et des symboles guerriers ce n’est pas banal. Même s’ils déambulent paisiblement le message qu’ils portent, lui, ne l’est pas.Tous ces gens qui manifestent au nom de la «liberté d’expression» ne sont en réalité que de potentiels prédateurs déguisés en personnes aimables. Ils sont comme le loup venu frapper à la porte de Mère-grand dans le Petit Chaperon rouge. Un loup peut sembler aussi docile qu’un chien. De loin, il est même possible de confondre les deux. Jusqu’à ce qu’il sorte ses crocs et se jette impitoyablement sur sa proie.

Les meneurs de ces défilés ne sont pas les seuls responsables de ce qui se passe.  Nous vivons dans une société similaire à celle qui évoluait dans les années 30. Une société où trop de gens vivent dans la précarité sinon carrément dans la misère. Et, tout comme à cette époque, il y a maintenant des gens riches qui profitent de la vulnérabilité des autres pour abuser d’eux, pour s’enrichir à leurs dépens. Que ce soit un krach boursier ou les effets pervers d’une économie néo-libérale imposée au nom de l’équilibre fiscal, une économie qui en réalité ne profite qu’à 1% de la population. Ce sont ceux et celles qui vivent bien loin des soucis quotidiens, au paradis… fiscal. Tout ceci entraîne de l’insécurité et, lorsque les gens vivent dans l’insécurité, ils veulent trouver des gens forts et bien disciplinés qui permettront que leur vie revienne à la normale.

De nos jours, les «sauveurs» ne marchent plus à pas d’oie, ils déambulent à pas feutrés*. Dans les deux cas, ils représentent un grand danger pour une société démocratique. Il est fondamental que nous apprenions à les reconnaître pour ce qu’ils sont, de faire tout ce qui est possible pour les démasquer, les dénoncer et surtout les empêcher d’avoir une emprise sociale et politique. Il est urgent que tous les politiciens, peu importe le parti, laissent tomber les calculs politiques et les dénoncent sans réserve. Il est également extrêmement important que les médias, en particulier les médias nationalistes cessent de faire leur jeu leur donnant une couverture trop souvent complaisante.

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Et puis là, je viens de penser soudainement à une troisième chose : tous ces autres loups très gentils dans l’espace public qui se transforment en prédateurs pervers lorsqu’ils ferment  la porte leur bureau ou de leur chambre d’hôtel derrière eux . Ces derniers ont remplacé les griffes sur leurs vestons par des vestons griffés. En réalité ce sont les mêmes assoiffés de pouvoir, c’est juste qu’ils ont une façon différente d’imposer leur volonté sur autrui, de passer de gentil à agresseur avant même que leur proie ne prenne conscience de ce qui arrive.

#balancetonporc #balancetonfasciste

*La Meute veut manifester devant une mosquée de Montréal

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