Ouverture vers le Web
Quelques bonnes raisons pour lever les restrictions (2/4)

Dans un billet précédent, je décrivais comment certains facteurs avaient contribué à l’implantation d’un Web contrôlé dans le réseau scolaire. Je présentais aussi quelques arguments pour lever l’interdiction sur le service Youtube. Mais il n’y a pas que Youtube qui soit en cause. D’autres services Web qui, bien que parfois perçus comme une menace par les autorités, constituent un environnement riche pour éduquer.

Aujourd’hui, avec ce billet (le deuxième d’une série de quatre), je vous propose de poursuivre la réflexion pour aller au-delà des préjugés et des légendes urbaines, en vous présentant les avantages de Twitter en éducation. Bien qu’il soit vrai que certains gazouilleurs (ciel que je n’aime pas ce mot!) se servent de cet environnement seulement pour parler d’eux-mêmes (en anglais on parle de MEformers), d’autres utilisent le micro-blogging comme véritable outil d’information*, d’échanges et de communication (on parlera alors de INformers). Personnellement, je me sers de Twitter surtout à des fins professionnelles mais je me  permets parfois, je dois l’avouer, d’être un meformer.

Il faut être conscient que le micro-blogging s’articule autour de «temps courts» pour écrire et pour lire. Très souvent cependant, les liens abrégés inclus dans les tweets entraînement le lecteur vers des «temps longs» d’analyse de documents plus détaillés, de dossiers étoffés et de textes fondateurs.

Afin de trouver des arguments valables pour faire l’apologie du micro-blogging, j’ai lancé un appel à ma communauté  pour qu’elle me fournisse de bonnes raisons pour laisser entrer Twitter à l’école, j’ai lui demandé de me donner #20raisons** pour utiliser le micro-blogue à des fins pédagogiques. La réponse à mon appel fut impressionnante. J’en profite d’ailleurs pour remercier les gens qui ont répondu à ma demande aussi rapidement.

Par la suite j’ai pu extraire le Wordle ci-dessous pour visualiser le tout (vous pouvez cliquer sur l’illustration pour la voir à sa pleine taille. Dans ce schéma, il est important d’accorder autant d’importance aux mots en petits caractères qu’à ceux écrits en gros.

Le développement personnel de l’élève

En tout premier lieu, il importe de savoir que le  micro-blogging, à l’opposé du réseau Facebook, n’est pas populaire chez les jeunes. Une analyse faite en 2009 chez Pew Internet démontrait que, aux États-Unis, seulement 8% des adolescents auraient adopté cette façon de partager avec leur communauté d’amis. Selon danah boyd, ceci s’expliquerait par le fait que ce serait pour les jeunes une façon trop publique de communiquer.

Par contre, il faut aussi savoir que certains enseignants s’en servent déjà avec leurs élèves. Le micro-blogging constitue une façon efficace pour s’assurer que les élèves soient des acteurs dynamiques lors de leurs apprentissages.

La e-littératie – de spectateur passif à acteur engagé

Les élèves peuvent accéder à de l’info-reportage en temps réel, et, du même coup, apprendre à analyser l’information, déterminer si la source est fiable ou non. Les jeunes sont préoccupés par ce qui se passe dans le monde, les événements tragiques comme le tremblement de terre en Haïti, les événements en Iran et en Libye ou d’autres à dénouement plus heureux comme les événements en Tunisie et en Égypte, dont le déroulement est accessible en temps réel. En s’abonnant à des gens qui offrent un témoignage de première ligne, ils ont accès à la nouvelle avant même qu’elle ne soit diffusée sur les grands réseaux d’information.

Un exemple récent, celui de Wael Ghonim, cet employé de Google qui s’est servi de Twitter pour courageusement commenter la situation dans son pays au moment où le peuple égyptien était descendu dans la rue pour revendiquer le départ d’Hosni Mubarak.

Les jeunes peuvent aussi faire appel à l’expertise de spécialistes et de leurs pairs pour trouver rapidement des réponses à des questions relatives à leurs apprentissages, qu’il s’agisse de connaissances spécifiques, de notions ou de concepts.

Un exemple : l’équipe Scratch du MIT qui stimule l’intellect des jeunes en leur proposant des défis logico-mathématiques. Elle offre aux apprenants, non seulement la possibilité de poser des questions sur les problèmes qu’ils rencontrent, mais aussi de proposer des solutions originales.

La e-littérarité – du mouvement de l’Oulipo aux nanotextes en ligne

Les écrits courts ne datent pas d’hier en littérature.

Qu’il s’agisse de maximes, de proverbes ou de gazouillis, le défi est grand pour exprimer sa pensée de façon créative, en très peu de mots. C’est un défi fort intéressant lorsqu’on apprend à maîtriser une langue.

La twittérature et les tweetromans, vous connaissez? Il s’agit de courants littéraires qui sont en pleine émergence, qui sont en train d’acquérir leurs lettres de noblesse.

À titre d’exemple, une activité proposée par l’Institut de twittérature comparée : Les défis Borgès. Créés pour le festival littéraire Québec en toutes lettres, cette série d’activités propose une incursion originale dans l’œuvre de Borgès. «Ils posent des trappes à texte sur des parcours de lecture et d’écriture». Les élèves qui souhaitent relever les défis sont invités à écrire de courts textes de moins de 140 caractères. Développer sa compétence à maîtriser les écrits courts tout en apprenant à connaître un des grands de la littérature contemporaine. Peut-on être plus pédagogique que ça?

Addendum 2011 03 05 Un article paru dans le journal Le Soleil du 5 mars 2011 Twitter sur les bancs d’école. Des élèves de la classe de @AnnieSentiers (via @nathcouz) utilisent le micro-blogging pour apprendre avec le soutien et l’expertise de @pierrepaulpleau.
Addendum 2011 04 16 Sur le site vousnousils Twitter en classe : une pratique qui séduit professeurs et élèves.
Addendum 2011 05 31 Un interview de Annie Côté (@AnnieSentiers) sur une chaîne de radio française à 46 minutes 10 secondes.

Un autre exemple, Croisade, le roman de Thierry Crouzet, élaboré à partir d’entrées sur Twitter. C’est un thriller issu d’un twiller. Monsieur Crouzet a écrit ce roman comme une série de plus de 5200 tweets postés entre le 25 décembre 2008 et le 1er avril 2010. Tous les tweets qui ont servi à le créer sont disponibles sur @tcrouzet.

Dans les deux cas, le défi est le même : écrire quelque chose de sensé et compréhensible en moins de 141 caractères. N’est-ce pas là un outil remarquable pour apprendre aux jeunes à avoir un discours axé sur la synthèse?

Addendum 2011/03/01 Micronouvelles en tweets

Le développement professionnel de l’enseignant

Twitter est un environnement très efficace pour constituer des communautés de pratiques, pour partager ses bons coups et découvertes pour demander conseil et, comme on a pu le constater au début de ce billet, trouver des réponses à ses questions.

Qu’il s’agisse d’évaluation, de programmes ou encore de décisions politiques relatives à des investissements en éducation, les informations à la une ou en primeur sont trop souvent homogénéisées, obtenues par communiqués de presse. Elles sont dépourvues de nuances  et ne présentent que rarement la divergence des points de vue. Twitter permet aux enseignants d’aller chercher différentes opinions, de questionner et de se questionner et ainsi, contrer la convergence avec un outil qui favorise la divergence.

À titre d’exemple, mon collègue Pierre Couillard, un professionnel de la techno-pédagogie, proposait dernièrement un lien menant vers un article qui jette un regard plus critique sur la pertinence des tableaux blancs numériques.

C’est aussi un outil efficace pour entretenir une communauté d’apprentissages, une communauté qui s’étend bien au-delà des murs de la classe et de l’école.

Un exemple, celui de Laurence Juin (@frompennylane) qui est une figure de proue dans l’utilisation de Twitter en classe. Elle se sert de ce média comme support complémentaire à son cours et aussi pour favoriser l’interactivité entre elle et ses élèves.

Je vous suggère de prendre connaissance de l’entrevue qu’elle donnait en janvier 2010 à Alexandra Francon, spécialiste en communication.  (obtenue via @mdunias).

Je tiens à conclure en relatant un fait divers qui a capté mon attention alors que je préparais ce billet. Unheard in New York est un OSBL qui vise à donner la parole aux sans-abris en leur offrant un téléphone portable avec un forfait data. Un de ces sans-abri, Daniel Morales a pu ainsi retrouver sa fille, qu’il n’avait pas vue depuis plus de dix ans et, du même coup,  connaître ses petits-enfants. Et son histoire n’est pas la seule. Découvrez-en d’autres sur le fil Twitter de Unheard in New-York.

À mon sens, ceci démontre que, lorsqu’on place le pouvoir des mots entre les mains des citoyens, même les plus démunis,  on va pas mal plus loin que la trivialité du bavardage.

Il reste deux billets à venir en lien avec le thème de l’ouverture sur le Web, un sur Facebook, l’autre sur Skype. D’ici là , je vous invite à me faire parvenir vos commentaires.

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** Je crois bien que c’est ce type d’utilisateur que madame Lise Bissonnette traitait de  placoteux dans son allocution à l’Assemblée nationale en avril 2010. Après avoir écouté ses propos, il est clair que madame Bissonnette met en opposition le journalisme traditionnel et le journalisme citoyen alors que, à mon sens, elle devrait les regardercomme étant complémentaires.
** Comme le croisillon #20raisons ne sera pas disponible ad infinitum, le document pdf de cet échange est ici.
Un pearltree sur le sujet de @yannleroux obtenu via @mdunias professeur dans un lycée en Nouvelle-calédonie
Neuf raisons pour utiliser Twitter en classe, listées sur Tech and Learning (en anglais)
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Quelques bonnes raisons pour lever les restrictions (2/4)

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