Au cours des derniers mois, j’ai été confronté à quelques reprises aux règles rigides de certains serveurs mandataires, à la «censure par proxy»*. À chaque fois, ces barrières numériques m’ont empêché de faire mon travail convenablement.
Alors que je souhaite présenter aux enseignants et aux conseillers pédagogiques avec qui je travaille des solutions en ligne, gratuites ou à faibles coûts pour favoriser l’apprentissage de la langue, des personnes bien pensantes décident, et ce, souvent, de façon très arbitraire, de fermer les portes sur le savoir et la connaissance.
La plupart du temps, les personnes responsables des réseaux posent ces gestes avec un rationnel protectionniste… protéger la bande passante, protéger les données des serveurs et surtout, surtout protéger les usagers.
Pour ce qui est de protéger la bande passante et les données, la solution est simple, elle est clamée depuis plus de 20 ans par de nombreux intervenants du milieu de l’éducation. Il faut isoler les serveurs qui contiennent des renseignements nominatifs et des données sensibles des serveurs à vocation éducative. Les organismes qui ont décidé d’agir ainsi protègent sans contraindre. Je pense ici à certaines commissions scolaires au Québec, au MIT.
Pour ce qui est de protéger les usagers, il est plus profitable à moyen et à long terme d’informer et éduquer plutôt que de censurer.
Quand on censure, est-ce qu’on protège réellement? Est-ce qu’on ne fait pas plutôt qu’anesthésier le problème?
Je suis de ceux qui croient que la censure ne fait qu’accentuer les risques de délinquance. En effet, il y a de plus en plus de jeunes qui sont capables de contourner facilement les règles des proxy. D’autres vont tout simplement «passer par ailleurs», accéder au nuage en utilisant leur téléphone intelligent via le réseau téléphonique de leur fournisseur de services cellulaires. Il faut réaliser qu’il y a de plus en plus de jeunes qui possèdent de tels appareils. D’ici 4 ans, il y aura plus d’appareils mobiless dits intelligents de vendus que d’ordinateurs de bureau.
Je crois qu’il existe un consensus social pour ne pas donner accès à de la pornographie et à toute forme de valorisation de la violence, de l’encouragement au racisme ou au sexisme mais, pour ce qui est des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Youtube, qui sont utilisés massivement par les jeunes et des sites de création de documents collaboratifs tels Google Documents) qui ont un réel potentiel pour favoriser la coopération active, il n’y a pas à mon sens d’argumentaire valable pour justifier la censure.
Alors que nos gouvernements démocratiques s’indignent sur la censure d’Internet dans différents pays totalitaires du monde, trop peu de dignitaires se préoccupent du fait qu’on applique le même type de méthodes pour contrôler l’accès à l’information dans le réseau de l’éducation.
La censure dans les écoles est contre-productive. Elle encourage les jeunes à contourner les obstacles et elle donne aux gestionnaires de différents niveaux une fausse assurance en lien avec l’intégrité morale et intellectuelle des jeunes. Elle empêche aussi les jeunes de développer des compétences essentielles pour devenir des citoyens responsables, capables de jugement éclairé. Ma grand-mère aurait dit, «Assez de jugeote pour se virer sur un dix cent»
* L’allusion au syndrome de Münchhausen est volontaire.
Addendum 1 – Tout dernièrement, j’ai eu à transiger avec un organisme qui «protège» toutes les données de ses employées en émettant des clés USB encryptées or, aucune des données contenues sur cette clé n’était confidentielle mais, elles étaient malheureusement illisibles sur les appareils que nous avions à notre disposition.
Des disciples de Münchhausen avaient su créer un problème là où il n’aurait pas dû y en avoir du tout.
Addendum 2 – @Aurise m’envoyait ce matin ce lien qui mène vers un article du Devoir relatif à une initiative de la Commission scolaire Lester-B. Pearson pour offrir un accès beaucoup moins restrictif aux élèves qui fréquentent ses établissements. «Au lieu d’interdire l’usage des réseaux sociaux, la commission fait le pari suivant: apprendre à ses élèves, de même qu’à son personnel et aux parents, à bien se servir de ces outils pour éviter qu’ils ne frappent les écueils qui accompagnent actuellement le développement de ces technologiques émergentes». Là on construit!
3 réponses à Quand on censure, on ne peut pas éduquer, un point, c’est tout!