Pour apprendre au XXIe siècle… dans un environnement aménagé pour… apprendre…

Le 4 mai 2011, je notais l’observation suivante sur mon fil Twitter : «Dans les années 50, enseignement magistral, manuel scolaire, bulletin chiffré et bureaux alignés dominaient l’espace pédagogique. En 2011?»

Pour répondre aux exigences du paradigme de l’enseignement, on a conçu les classes en fonction du modèle de la production en chaîne tel que défini par Frederick Winslow Taylor au début du XXe siècle1.

En ce XXIe siècle, qu’est-ce qui a changé dans les salles de classe? L’enseignement frontal occupe-t-il toujours une aussi grande place? Le matériel didactique continue-t-il à être omniprésent dans les apprentissages des élèves? Est-on davantage conscient qu’il est très difficile de favoriser un travail en équipe qui tienne compte de la complémentarité des compétences quand on isole les élèves les uns des autres?

Cliquer sur l’image pour voir l’illustration à sa pleine taille

Quel type d’environnement est le plus favorable aux élèves dans le paradigme de l’apprentissage? La classe telle qu’aménagée présentement? Sinon, quel serait l’aménagement de classe idéal pour le XXIe siècle?

C’est vraisemblablement un aménagement qui faciliterait l’échange, la rencontre, qui permettrait de débattre, de comparer, d’argumenter. C’est un environnement modulaire qui serait conçu pour une reconfiguration instantanée de l’espace de travail. C’est aussi un lieu où il serait possible d’utiliser les technologies sans problème, qui offrirait un accès Internet sans fil rapide et performant, et où l’on encouragerait les élèves à apporter leur propre appareil mobile.

Je crois sincèrement que l’espace physique a une incidence sur les apprentissages. Je crois que le fait d’être obligé de regarder en avant, 5 heures par jour, joue sur le moral et la capacité d’attention des élèves. Au cinéma quand un film dure plus de deux heures, plus le temps passe, plus on devient inconfortable et agité. On sort du cinéma incommodé et irritable en disant que la présentation était interminable. Alors pourquoi exige-t-on des élèves ce type d’immobilité ? Pour pouvoir dire par la suite qu’ils sont inattentifs, dissipés et dépourvus de tout intérêt ?

Alors que l’on parle de plus en plus de pédagogie inversée et de pédagogie par enquête, d’acquisition de savoirs, de littératie, de séquences d’apprentissages et de métacognition; alors que les technologies viennent modifier sensiblement les façons d’apprendre et le rapport au savoir, comment se fait-il qu’on ait encore des aménagements de salles de classe qui favorisent l’isolement et l’absence de conversation? On entend souvent les gens les plus conservateurs déplorer le fait que les jeunes ne communiquent plus ensemble de façon réelle et authentique, préférant se réfugier dans le virtuel. Ils les taxent de se livrer à  des échanges vides en utilisant  les médias sociaux tout azimut.

Alors pourquoi ne font-ils rien pour que le lieu par excellence destiné à échanger de façon authentique, la salle de classe, cesse de favoriser exactement ce qu’ils déplorent?

Aujourd’hui même, grâce à Julie Dubois de la Commission scolaire des Sommets, je viens de prendre connaissance d’un clip vidéo (en anglais) qui illustre très bien les avantages d’une classe modulaire transformable.

La chaise Node du fabricant Steelcase

On y constate que certains concepteurs ont déjà créé du mobilier adapté à des environnements polyvalents et versatiles, un mobilier qui permet de reconfigurer facilement et rapidement la salle de classe selon les exigences de la situation. Steelcase, un fabricant américain de mobilier, offre la chaise Node (c’est le modèle présenté dans le clip). Ce modèle répond bien aux exigences d’une classe 2.0, c’est-à-dire une classe participactive où les jeunes seront tantôt appelés à être attentifs à ce qui se passe en avant de la classe, tantôt à être engagés dans un processus d’échange et de réflexion.

Certains allègueront que ce sont là des idées dispendieuses, qu’il serait préférable d’acheter des dictionnaires au lieu de rêver à transformer physiquement le lieu où l’on apprend. Que tout ça ce n’est que du superflu, du chi-chi coûteux sans fondements.

À ces derniers, je peux demander pourquoi ils insistent autant afin d’imposer un état statique pour faire apprendre les jeunes et, du même souffle,  je leur réponds que la salle de classe doit être un lieu dynamique, un espace qui favorise des apprentissages variés et significatifs.

Un défi pour moi! Un défi pour vous?

 

Je serais volontaire pour explorer avec une direction d’établissement2 des scénarios possibles pour transformer une salle de classe afin qu’elle devienne un lieu de partage et de collaboration entre l’enseignant et ses élèves, un prototype de classe modèle moderne. La direction aurait à trouver un enseignant capable de relever des défis pédagogiques et aussi s’assurer de la collaboration du service des ressources matérielles de sa commission scolaire. En contrepartie, je m’engage à trouver une bonne partie du financement nécessaire aux équipements matériels et informatiques.

Je précise que je l’ai déjà fait en 1986, alors que j’enseignais en temps plein, en concevant le projet ESSAIM. Je me sens maintenant prêt à relever ce nouveau défi stimulant!

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1 Dans un clip video Life Isn’t ‘A Production Line’, disponible sur le site genConnect, Sir Ken Robinson parlait tout dernièrement de l’anachronisme du milieu scolaire
2  ou tout autre cadre d’une institution scolaire

Note : La rédaction de ce billet a été amorcée le 13 mai 2011 mais le tout était resté en suspens.

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22 réponses à Pour apprendre au XXIe siècle… dans un environnement aménagé pour… apprendre…

  1. Je suis une directrice d école qui voudrait expérimenter ce projet avec vous. Et en plus, j’ai un enseignant volontaire.

    Vous pouvez me rejoindre au 418 487 4527 ou
    Laouches@cslacst-jean.qc.ca.

  2. Fort intéressant! À travers tout cela, n’oublions toutefois pas l’importance de l’interaction avec l’enseignant. Malheureusement, avec certains faux discours pro-réformes, certains ont eu tendance à mettre cette interaction à l’arrière-plan ces dernières années. N’oublions pas le concept de zone proximale de développement et l’importance pour les élèves de bénéficier du soutien d’une personne plus compétente qu’eux pour cheminer. Bien sûr, le magistral n’est pas forcément roi pour cela…

  3. Gaudeau, Frédéric dit :

    Frédéric Gaudreau, direction de l’école Armand-St-Onge, 418-629-6200, poste 6301

  4. Michel Clément dit :

    Cette réflexion me semble extrêmement pertinente dans le flot des discussions ayant actuellement cours autour de la gestion pédagogique d’une école 2.0. Comme parallèle j’oserais avancer l’idée que les grandes chaînes de magasin aux approches modernes ont appuyé leur développement sur cette idée que l’environnement créé autour des produits est aussi important que le produit lui-même. Une autre illustration de la pensée de McLuhan…
    Je crois qu’un jeune qui met le pied dans une classe est fortement influencé par l’organisation spatiale dans lequel on le plonge. Des alignements rectilignes, cadrés, trop souvent le lot de nos classes, lancent immédiatement le message qu’on les invite à une « pensée tout aussi rectiligne ». Heureusement que beaucoup d’écoles ont grandement évolué à ce niveau
    J’ai eu personnellement l’occasion d’appliquer ces réflexions durant plusieurs années à l’organisation spatiale de bibliothèques scolaires. Et ces expériences m’ont convaincu que l’aménagement physique des lieux influe beaucoup sur le développement à long terme d’un goût et d’un réel plaisir de lire.
    Je crois qu’il en va tout à fait de même pour la classe 2.0. Si on est prêt comme société à investir beaucoup d’argent dans l’acquisition des appareils technologiques visant à favoriser l’apprentissage, il faut se préoccuper aussi fortement de l’environnement physique qui en permettra l’action réelle.
    Bravo André pour l’engagement professionnel que tu manifestes dans cette voie.

  5. Carole Raby dit :

    Très intéressant, André…

    Je me permets un retour en arrière, il y a quelques années…

    J’ai vu, il y a quelques années, deux classes de 3e cycle du primaire, où deux enseignants travaillaient activement et régulièrement en « team teaching ». Leurs locaux étaient pourtant fermés (dans le sens de non reliés l’un à l’autre; simplement un à côté de l’autre) et de grandeur régulière. Le mobilier était aussi assez standard mais disposé de manière à favoriser l’interaction des élèves. Les élèves disposaient de divers équipements technologiques disposés dans le local (et entre les deux locaux) pour favoriser les échanges et la coconstruction. Les élèves « voyagaient », selon les activités et projets en cours, entre les deux locaux.
    Ces deux enseignants rêvaient d’un mobilier plus versatile, dessiné et conçu selon leurs besoins et ceux de leurs élèves. Ils rêvaient d’un projet de collaboration avec un architecte designer (à mon souvenir) et leurs élèves pour créer cet environnement…

    Ces enseignants étaient des enseignants « exemplaires » à mon avis (un est maintenant directeur d’une école primaire). Ils avaient une conception de l’apprentissage qui favorisait le dialogue et la coconstruction… Ils rêvaient d’un environnement qui répondraient à leur conception de l’enseignement et de l’apprentissage…

    Pourquoi je raconte tout ça… Je me demande jusqu’à quel point la conception de l’enseignement et de l’apprentissage ne doit pas précéder l’environnement physique… jusqu’à quel point transformer l’environnement peut réellement favoriser les changements de pratiques… Les croyances des enseignants sont un facteur déterminant dans le processus d’intégration des TIC, nous le savons (voir, à ce propos, les écrits de Ertmer, 1999, 2005 : http://www.edci.purdue.edu/faculty_profiles/ertmer/index.html). On le voit avec l’introduction de diverses TIC, dont le TNI qui, plus souvent qu’autrement, sert des pratiques traditionnelles, alors qu’il est dit « interactif » et qu’il offre un grand potentiel pour créer cet espace dialogique dont il est question ici…

    La question est intéressante et mérite qu’on s’y intéresse à mon avis… Je suis partante!

    • Agent de l’éducation nationale depuis 1995, je suis passée de la classe de français au Centre de Documentation et d’Information, avant de tenter une reconversion, déçue par la lenteur et la rigidité d’un système qui a pourtant beaucoup d’atouts : les classes sont déjà des espaces de rencontres et d’échanges ; le travail personnel fourni par les enseignants est extraordinaire et méconnu.
      Si la disposition traditionnelle de la classe perdure, cela incombe, à mon avis, autant aux structures mentales des élèves et de leurs parents qu’à celles des enseignants eux-mêmes (Voyez ce que proposent les cours privés florissants : du traditionnel !) Toute innovation est douloureuse car elle remet en question les charentaises du raisonnement facile et peureux.
      Pour moi, il est urgent de réfléchir en partant « de l’intérieur » avant de mettre en avant des appareils perfectionnés. J’ai l’impression parfois que les établissements s’achètent une bonne conscience en proposant tout cet équipement lumineux et probablement interactif, sans accompagner l’évolution du métier et des consciences : les pratiques sont toujours aussi rigides –voire davantage, sous leurs habits de pixels (omniprésence de l’évaluation, jugements sélectifs, gestion accélérée du temps).
      Par exemple, l’accès à une quantité incommensurable d’informations affaiblit les capacités de réflexion et de raisonnement des élèves. Le plagiat est monnaie courante. La notion d’effort intellectuel disparaît (sans parler du goût).
      Je me dis que toute initiative en matière d’éducation devrait trouver ses fondements dans la recherche de l’humanité en nous-mêmes et dans l’élan vers la société de demain, autrement dit dans notre capacité à
      faire confiance et nos aspirations à la liberté.
      Merci de créer de tels espaces de discussion.

  6. Simon Ensor dit :

    Super interessant. Nous travaillons depuis sept 2011 a la reorganisation de nos espaces d’apprentissages (sans budget…) pour favoriser le travail par projet, melant le physique et le numerique. J’ai hate d’etablir un dialogue avec d’autres qui reflechissent et surtout agissent pour transformer nos pedagogies, nos relations et nos espaces.

  7. Stéphane Breault dit :

    M. Roux, merci de nous guider vers de telles merveilles! Je vois que vous avez déjà des volontaires, mais si jamais vous élargissez l’expérience, je suis partant! Ma classe de français vous attend.

    École secondaire Antoine-de-Saint-Exupéry, CSPÎ

  8. Bianca dit :

    Nous avons eu la même réflexion la semaine dernière avec des équipes qui veulent faire des écoles secondaires de l’Ontario des écoles de l’ère numérique.

    Je citerai ce billet dans mon prochain billet!

    MERCI

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